Chevalier de l'Ordre de la Légion d'Honneur

Mai 2008, au siège de l'OURS

Antoine Blanca, Commandeur dans l'Ordre national de la Légion d'Honneur, me remet les insignes de chevalier de la Légion d'honneur, en présence de ma famille et de mes amis, et notamment de Pierre Mauroy, ancien Premier ministre, Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière, et René Rouquet, député-maire d'Alfortville.


Discours d'Antoine Blanca, lundi 19 mai 2008.

Il est des moments privilégiés pour l'expression, parfois longtemps retenue, de sentiments quand leur nature politique se mêle à l'affectivité, et l'affectivité au vécu historique. C'est un peu le cas aujourd'hui alors que j'ai reçu mission du récipiendaire de lui remettre les insignes de Chevalier de la Légion d'Honneur.

Vécu historique ? Denis et moi ne sommes pas, à mon grand regret d'ailleurs, contemporains. J'entends simplement par là que nous avons, l'un et l'autre, une relation commune, intime, à des personnages et à des événements de notre histoire politique moderne. A celle surtout qui se réfère au Socialisme et aux formes qu'à travers les âges et les pays, a pris son combat.

En France, de 1905 à 1969, le Parti socialiste SFIO à incarné ce combat. Une communauté de vues qui a beaucoup contribué à la naissance, puis à la consolidation d'une amitié pleine de clins d'oeil complices. En dépit de notre différence d'âge, c'est la même galerie de portraits que nous avons en tête en parlant « socialisme », les mêmes heures douloureuses et les mêmes jours de bonheur et d'exaltation. Sans sectarisme, mais avec résolution, nous avons choisi notre camp à gauche, avec nos amours et nos désamours, en militants de la tolérance, mais en ennemis de toute facilité.

En partisans de l'unité, mais en ayant à l'esprit les valeurs contenues dans le discours de Léon Blum au congrès de Tours, discours fondamental de clarification indispensable à un moment douloureux pour le mouvement ouvrier. Tout ce qui a suivi nous a donné raison.

Denis, tu es journaliste par formation et par goût. Et l'exercice bien particulier de cette profession t'a conduit à devenir historien. Historien par vocation et même par passion. Passion de l'événement que le journaliste commente, s'efforce d'analyser, d'expliquer, mais auquel l'historien, lui, doit trouver une signification. Le situer dans le temps et dans l'espace. Ton environnement, ton monde, tu ne les as jamais subis, puisque tu as toujours, largement, contribué à les bâtir. Il n'y a jamais eu fatalité professionnelle pour la bonne raison que tu as toujours travaillé avec ceux que tu aimais et pour ce que tu aimais.

Chance et volonté se sont alliées pour te servir dans la pratique de ta profession. Journaliste, tu as rarement, peut-être même jamais, eu à écrire sans harmonie avec tes convictions. Beaucoup de tes confrères de la grande presse voudraient sans doute pouvoir en dire autant.

Avec un nom de famille comme le tien et un lieu de naissance aussi significatif, Arras, tu ne pourras jamais nier tes racines nordistes. Tu as adhéré au PS en 1973, un parti qui connaissait alors depuis deux ans un nouveau cours. Tu avais 20 ans à peine. Arrageois, tu pris ta carte dans la section de Guy Mollet à qui tu ne manquas pas alors d'adresser un sourire de connivence.

Tu étudiais déjà à l'IUT de Tours d'où tu sortiras avec, en poche, un DUT de journalisme.

Tu n'as jamais été, cependant, un journaliste à la manière convenue. Ton premier salaire a été celui d'attaché parlementaire. Devenu député après la mort brutale de Guy Mollet, André Delehedde te demande alors de venir travailler auprès de lui. Un parlementaire jeune et enthousiaste que la mort devait arracher à notre amitié sans qu'il ait eu le temps de donner à sa ville et à son Parti toute la mesure de son talent et de son dévouement.

Tu avais 25 ans quand ta vie professionnelle et militante prit ce que j'appellerai le « tournant Claude Fuzier ». Le maire de Bondy et sénateur de la Seine-Saint-Denis était déjà une légende dans le socialisme gaulois.

Avec Claude, tu seras aussi homme politique, conseiller municipal, animateur culturel, responsable de l'une des plus complètes bibliothèques de la Région parisienne. Tu présides l'Association Bondy Animation Culture, la fameuse ABAC que tous les socialistes et hommes de gauche parisiens connaissaient bien, à laquelle nous avons tous eu recours à un moment ou à un autre de notre vie active.

Ce ne sont pas tes activités à l'Office universitaire de recherche socialiste, l'OURS, qui t'éloigneront de ton sénateur-maire. Bien au contraire, puisque lui-même y consacrait beaucoup de son temps. Tu en es le secrétaire général depuis 1992, comme tu es, depuis 2002, le rédacteur en chef du journal mensuel (consacré notamment à la critique de livres politiques) et de la revue trimestrielle.

Depuis 1996 tu présides aussi le Centre Guy-Mollet qui a pour objet d'étudier la vie et l'action de l'ancien secrétaire général du Parti et ancien président du Conseil des ministres. Dans ce cadre, outre l'édition de différentes publications, sont organisées des conférences, des rencontres, des expositions. Ce fut particulièrement le cas, en liaison avec le Conseil général du Pas-de-Calais et la Ville d'Arras, à l'occasion de la commémoration du centenaire de la naissance de ce grand homme politique, en 2005. Je rappelle aussi que le Centre Guy Mollet édite, sous ta direction, une collection d'ouvrages, l'Encyclopédie du socialisme (24 titres publiés à ce jour), et une revue annuelle, histoire(s) socialiste(s).

Mais naturellement le champ de tes collaborations rédactionnelles est beaucoup plus vaste, plus éclectique aussi. Il englobe par exemple, dans la fidélité aux idéaux socialiste et humaniste : Communes de France, Historia, la revue Humanisme du Grand Orient de France, L'Idée Libre, Gavroche. Et comment ne pas rappeler quelques titres d'ouvrages ayant un caractère biographique ou historique :

  • Guy Mollet le mal aimé, en 1992 ;
  • Le socialisme et les colonies, en 1995 ;
  • Marcel Sembat, socialiste et franc-maçon, en 1995 ;
  • L'affaire de Suez, en 1996 ;
  • 19 décembre 1947 : Force Ouvrière en 1997 à l'occasion du cinquantenaire de la Confédération.

  • Mais aussi :

  • en 2000, Socialisme et franc-maçonnerie ;
  • en 2001, Guy Mollet face à la torture en Algérie, 1956-1957 ;
  • en 2001 aussi, Marcel Sembat. Le socialisme maçonnique d'avant 1914 ;
  • en 2004, Fred Zeller, des trois flèches aux trois points ;
  • en collaboration avec Rémi Lefebvre, 1936, Mémoires du Front Populaire sous l'égide de l'OURS en 1997 ;
  • en collaboration avec Alya Aglan, Christian Pineau, de Buchenwald aux traités de Rome, en 2004 ;
  • ou encore avec Jean-Marc Binot et Pierre Serne, 100 ans.100 socialistes, en 2005.

Les Editions maçonniques de France ont pour leur part publié, en 1999, André Lebey, intellectuel et franc-maçon sous la IIIe République, et l'Encyclopédie du socialisme Claude Fuzier, un socialiste de l'ombre, en 2004 ainsi que Les socialistes et l'Europe, de la Résistance aux traités de Rome, en 2007.

On m'excusera de ne pas rappeler dans le détail les innombrables colloques universitaires, tant en France et à l'étranger auxquels tu as participé et dont les actes ont été publiés en ouvrages.

Des oreilles amies et indiscrètes m'ont également appris que tu vas publier prochainement un ouvrage sur l'affaire de Suez de 1956 et, ensuite, une histoire de la Franc-maçonnerie française du XVIIIe à nos jours.

Comme je sais aussi que, en collaboration avec le président de l'OURS, Alain Bergounioux, tu travailles à un ouvrage sur « Le socialisme pour les nuls ». En tant que destinataires du livre, nous l'attendons avec intérêt pour la rentrée...

Je voudrais associer à l'hommage que nous te rendons la mémoire de ton père, décédé en 1979, et celle de ta mère, professeur à l'Ecole normale, dont tu étais si proche, décédée en 2005 après avoir exercé les fonctions d'Inspectrice départementale de l'Education nationale.

A ton épouse Chantal, Martiniquaise et fille d'un militant socialiste, je voudrais dire notre amitié et notre admiration pour toute l'aide intellectuelle qu'elle n'a cessé de t'apporter, pour sa force morale qui lui fait supporter tes horaires hasardeux, tes voyages...

Tes enfants Vincent, âgé de 26 ans et Fanny, 21 ans, peuvent être aussi fiers d'un père qui a bien mérité la haute distinction que je vais lui remettre dans l'Ordre le plus élevé de la République pour son importante contribution à la connaissance de notre histoire démocratique et des hommes qui l'ont servie.

Remise de l'insigne

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